Jean Bernier…modèle d’engagement

Jean Bernier n’est pas encore scout quand il part pour Verdun (le 12 septembre 1938), à l’âge de 18 ans, venant de s’engager pour trois ans au IVe régiment des tirailleurs marocains. Mais il applique déjà le premier principe des S.D.F. (« Le scout est fier de sa foi et lui soumet toute sa vie »). Dès le premier dimanche, il se rend à la messe avec un camarade. Mais à son retour, il est pris violemment à part
« Oui, je suis catholique et pratiquant, je suis fier de ma foi. Ces principes, mes parents me les ont donnés, je leur en suis reconnaissant. Rien, jamais, ne me fera abdiquer ! »

Cela suffit : son sourire, sa franchise, sa bonté et sa serviabilité feront le reste, lui attirant la sympathie de tous. Dès le plus jeune âge, dira sa sœur, il trouvait toujours « le mot qui console ou rassure, la parole qui remonte le moral ».

Cependant la guerre est déclarée. C’est la submersion de la Belgique, puis Dunkerque par où Jean se trouve évacué. Il revient en France pour se faire prendre comme prisonnier. Il est emmené au Stalag IV G de Godesberg au sujet duquel il écrit : « Chez nous, les cochons eux-mêmes sont mieux traités. » Puis les prisonniers de guerre sont transformés en travailleurs civils à la suite des bombardements répétés de la ville de Cologne : c’est le kommando 624 où il impose aux Allemands le respect des Français.

Le kommando 624

Jean Bernier
C’est là, fin 1940, qu’il rencontre le scoutisme à travers un groupe de catholiques animé par Roland Gallais et Louis Courrier. Ce groupe militant qui organise des cercles d’études a même obtenu la présence d’un aumônier, l’abbé basque Harignordequy, qui arrive le 5 mai 1941. Au kommando 624, l’action des catholiques s’impose. Certains groupes ou cellules subversives se trouvent contrées par ces militants formés, qui portent la contradiction mais aussi l’exemple partout. L’assistance à la messe passe rapidement de 150 à 400 et 450. Les activités (cercles, clan, chorale, orchestre…) se multiplient.

Jean veut être scout. Il fait sa promesse le 6 septembre 1941 devant une assistance émue, qui sent combien son engagement est profond. « Dans cette promesse, écrit-il, je voudrais garder et découvrir de plus en plus le vrai devoir de catholique, prêt à servir dans les rangs de ceux qui se donnent… Je me suis lancé dans la voie du scoutisme pour apprendre à mieux aimer et servir Dieu. »
Jean Bernier

Mais en décembre 1941 le groupe essaime. Et l’aumônier appelle Jean à ses côtés pour animer le nouveau groupe dont l’apostolat doit rayonner dans les autres kommandos et jusqu’en France. Jean lance alors un immense réseau spirituel qui relie la France métropolitaine à celle des barbelés, alimenté par de nombreuses lettres indirectes qui échappent à la censure allemande. Tous les quinze jours, un rapport part du kommando 624 vers les autres kommandos, près de 30 pages ! Il établit des contacts avec les requis pour le service du travail obligatoire. Tout cela, toujours caché aux yeux des Allemands.

Promesse
Les épreuves néanmoins s’alourdissent. Louis Courrier, son chef scout, meurt après lui avoir donné cette consigne qui deviendra sa devise : « Jean, que ta route monte toujours plus haut, dans le chemin du service, vers le Seigneur. »
Le 3 octobre 1943, en la fête de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, il reçoit deux promesses scoutes après la messe. Mais il reçoit aussi l’appel divin. Il écrit à ses parents :

« J’ai décidé qu’après la guerre, je rentrerai au séminaire. Je remercie le Seigneur de m’avoir accordé une telle grâce et je lui demande de vous aider à accepter cette décision. »

En dépit d’une tâche vraiment surhumaine, il commence à apprendre le latin. Son programme de vie journalière est dans la prière scoute qu’il récite chaque jour avec son ami René Loubet à l’usine : « Seigneur Jésus, apprenez-nous… à travailler sans chercher le repos… »

C’est avec une hardiesse, un courage, et un dévouement sans bornes, qu’il fait évader de nombreux camarades, fabriquant de faux papiers, fournissant des vivres, des vêtements, des cartes. Il cache aussi des fugitifs.

De la prison à Dachau

Le 6 août 1944, il est conduit à la prison centrale de Cologne. Il est interrogé et roué de coups pendant plus de dix heures. Interrogé notamment sur son activité scoute interdite par les Allemands. Heureusement il a pu communier avant son départ grâce au père Hari, « le meilleur ami de ma vie », avait-il dit à ses parents. Pendant huit jours, il sera traité aussi ignoblement. Le soir, il fait prier dans toutes les cellules.

« Je sais aussi qu’il faudra souffrir, avait-il écrit dans une lettre à Rolland Gallais, mais le Christ a permis qu’on lui crache au visage, pour racheter les fautes commises. Dans les moments durs, n’avons-nous pas l’exemple des apôtres, qui se jetaient aux pieds du Divin Maître, parce qu’ils le croyaient très fort et très bon. Nous ferons de même et en voyant ses plaies, nous ne pourrons que redoubler d’énergie, et avoir honte de notre lâcheté »

Goulag
Il est finalement évacué. C’est la débâcle allemande. Pas d’eau durant deux jours, jeûne complet pendant quatre jours et quatre nuits jusqu’à Buchenwald. La dysenterie se déclare. Jean se dévoue auprès de ses camarades, allégeant leurs souffrances. Puis c’est le convoi de la mort jusqu’à Dachau : 1 200 grammes de pain et quelques pommes de terre du 7 au 28 avril. Tout prisonnier qui ne peut suivre est assassiné : 150 cervelles sautent ! Jean est épuisé. La toux le déchire. Ses pieds et sa main droite sont quasiment gelés.

Le 29 avril, le camp est enfin libéré. Mais Jean refuse d’être évacué avant les autres, car son état est tel qu’on veut l’emmener tout de suite : « Non, dit-il, il y en a ici qui sont plus malades que moi. Je ne sortirai que lorsque le dernier homme aura été évacué ». A l’hôpital d’Emmendingen, dans la Forêt Noire, ses forces l’abandonnent. Seule l’Eucharistie le nourrit. Il fait dicter pour ses parents cette lettre :

« Ce que je vous demande de toutes mes forces, c’est de ne pas vous alarmer à mon sujet. Vous savez bien que ce que le Bon Dieu fait, il le fait bien… Mais il faut garder confiance et beaucoup prier, surtout faire prier les petits, car Dieu écoute toujours les prières des petits enfants »

Ses parents arrivent. Spectacle dramatique. Le 16 juin 1945, il meurt calme et tranquille. Comme pour Joël Anglès d’Auriac, de Toulon (voir livre 100 Scouts morts pour la France p.17-19), sa cause en béatification a été introduite à Rome.

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